J’ai refermé ce livre avec regret, malgré ses 658 pages. Que d’émotion, que d’authenticité dans la narration et le vécu des personnages ! Et le style de Chimamanda Ngozi Adichie me séduit à nouveau, encore plus que dans « L’hibiscus pourpre », son 1er roman.
« L’autre moitié du soleil », son 2e roman, raconte l’histoire d’amour entre Olanna, belle et riche jeune femme, et Odenigbo, intellectuel idéaliste et fougueux.
Le livre démarre au début des années soixante, dans un Lagos où règne un climat d’insouciance et de liberté. Olanna et Kainene, deux jumelles qui se ressemblent très peu (Olanna est décrite comme très belle, chaleureuse et avenante, tandis que Kainene est à peine jolie, hautaine et sarcastique) mènent une vie mondaine et faste auprès de leurs parents.
Bientôt, Olanna s’éprend d’Odenigbo et va le rejoindre à Nsukka, où elle travaillera comme lui à l’université. Quant à Kainene, elle rencontre Richard, un journaliste britannique passionné par la culture nigériane.
A Nsukka, la vie s’écoule paisible pour Olanna et Odenigbo, qui reçoivent régulièrement des amis à dîner. Leurs conversations animées et enflammées autour de la politique gouvernementale et de l’emprise britannique sur le Nigéria, n’échappe pas au regard perplexe, bienveillant ou parfois désapprobateur d’Ugwu, adolescent venu de la campagne pour devenir le domestique d’Odenigbo.
Puis, l’insouciance laisse place à l’incrédulité, la peur, la douleur, le désarroi, face au massacre insupportable des Ibos, auquel on assiste scandalisé à l’aube de la création de l’état du Biafra. Massacre que vivront de très près Olanna et Richard.
Pour Olanna, Odenigbo et leurs amis de Nsukka, l’avènement du Biafra était synonyme d’espoir, d’une vie nouvelle. Ils désiraient vivre dans un Biafra libre et indépendant du Nigéria, et ne croyaient pas que la guerre éclaterait. Mais la réalité ne tarde pas à les rattraper, les obligeant à quitter leur maison, leur confort, pour un exil loin de chez eux, dans des conditions de plus en plus difficiles et extrêmement modestes.
S’en suit une vie démunie, où les denrées les plus basiques comme le sel, le sucre ou le lait, deviennent rares. A cela, s’ajoute l’angoisse quotidienne de subir des raids aériens ou d’être découverts par les soldats nigérians. Dans ce contexte de guerre, l’angoisse et la paranoïa d’Olanna contrastent avec l’impassibilité et l’optimisme à toutes épreuves d’Odenigbo, alors que partout autour d’eux, la mort et la misère deviennent peu à peu la norme.
Chapeau bas à l’auteure, qui a fait un travail de recherches et d’investigation incroyable pour raconter autant de situations vécues pendant la guerre du Biafra.
Par ailleurs, elle entretient savamment le suspense puisqu’elle saute un pan entier de l’histoire pour n’y revenir que plus tard après avoir attisé la curiosité du lecteur par des sous-entendus.
Malgré quelques longueurs, ce roman riche en émotions est définitivement l’un des meilleurs que j’ai lus. Le livre déverse la culture nigériane à flots d’une façon si authentique et fait découvrir ce qu’a été le Biafra (même si j’y avais été sensibilisée à travers le livre d’une autre auteure nigériane, Sefi Atta, « Le meilleur reste à venir » où la guerre est vaguement évoquée).
« L’autre moitié du soleil » est donc un excellent livre qui positionne définitivement Chimamanda Ngozi Adichie comme un écrivain talentueux et incontournable de la scène littéraire africaine. J’ai d’autant plus hâte de lire ses deux autres œuvres : « Autour de ton cou » et « Americanah ».